Affaire des barbouzes de la DGSE

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L'affaire des barbouzes de la DGSE est une affaire criminelle qui met en cause un groupe d'individus qui auraient proposé à différents commanditaires d’intimider des personnes, voire de les assassiner, cela contre rémunération. Au moins un de ces contrats d'assassinat aurait été mené à son terme en 2018, par l'assassinat de Laurent Pasquali. Parmi les personnes mises en examen dans cette affaire figurent deux gardiens du camp de Cercottes (de la Direction générale de la Sécurité extérieure), ce qui explique le nom donné à cette affaire par les médias.

Les enquêteurs envisagent l'implication de ce groupe d'individus dans une dizaine d'affaires (toutes n'ayant pas forcément conduit à des meurtres) comme la surveillance d'un concurrent à la mairie de Saint-Maur-des-Fossés en 2014 par le maire alors en place, Henri Plagnol mais aussi assassinat du pilote Laurent Pasquali. En janvier 2024, l'affaire est en attente de jugement.

Chronologie des différentes affaires[modifier | modifier le code]

2012 : tuerie de Chevaline[modifier | modifier le code]

La tuerie de Chevaline est un quadruple assassinat mystérieux le sur le bord d'un chemin forestier situé sur la commune de Doussard (Haute-Savoie), à la limite de la commune de Chevaline.

En , la police retrouve chez l'un des commanditaires présumés du projet d'assassinat de Marie-Hélène Dini, Daniel Beaulieu, des munitions de Luger P06. Ces munitions sont rares et ont été utilisées lors de la tuerie de Chevaline. Cette découverte entraîne le réexamen du dossier pour examiner le possible lien entre l'affaire des barbouzes de la DGSE et la tuerie de Chevalineles deux affaires[1],[2],[3],[4]. Les vérifications effectuées sur les agendas et les bornages téléphoniques de plusieurs personnes impliquées dans l'affaire des barbouzes de la DGSE n'ont cependant pas été concluantes[5].

2014 : affaire Henri Plagnol[modifier | modifier le code]

Henri Plagnol, qui fut secrétaire d’État de Jacques Chirac, aurait fait appel, avant les municipales de 2014 à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), à cette cellule de barbouzes pour faire surveiller son concurrent, Sylvain Berrios qui est, à la suite de ces élections, devenu maire[6].

Un ancien policier de la DCRI est suspecté d’avoir effectué, en 2014, des surveillances et photographies de Sylvain Berrios, maire de Saint-Maur-des-Fossés, au bénéfice d'Henri Plagnol et aux frais de la commune de Saint-Maur-des-Fossés[7]. Cet ancien policier est soupçonné d'avoir agi à la demande d'un spécialiste en communication, compagnon d'une ancienne directrice de cabinet d’Henri Plagnol[8].

L'ancien policier de la DCRI est également impliqué dans l'agression de Jean-François Le Helloco, ami de Sylvain Berrios. Un matin d', le conseiller départemental Jean-François Le Helloco est attaqué par deux hommes cagoulés dans le jardin de sa maison de Saint-Maur. S'ensuit une pluie de coups, des injonctions « Faut que tu arrêtes ! » et une photo souvenir[9],[8].

2018 : meurtre de Laurent Pasquali[modifier | modifier le code]

Laurent Pasquali, pilote automobile, disparaît inexplicablement à Levallois (Hauts-de-Seine) en novembre 2018. Le , un crâne et des ossements humains sont découverts dans un bois à Cistrières (Haute-Loire). Ils ne sont pas immédiatement identifiés[10]. On apprend par la suite qu'il s'agit du corps de Laurent Pasquali. Il a été abattu[11] et enterré dans ce bois en Haute-Loire[12],[13],[14]. Laurent Pasquali aurait touché 200 000 euros pour apposer un logo sur sa voiture de rallye durant les courses et n'aurait pas respecté les termes du contrat[15]. En avril 2021, un couple de l'Oise, un médecin-biologiste et son épouse, est soupçonné avoir commandité l'assassinat du pilote[16].

Le 23 janvier 2023, RTL révèle qu'un policier, en poste au sein la Direction générale de la Sécurité intérieure, a reconnu en garde à vue avoir fourni l’adresse privée du pilote de rallye[17]. Il est aussi suspecté d’avoir pris part, en 2014, à l'affaire Henri Plagnol[7].

Lien possible avec Daniel Forestier[modifier | modifier le code]

Le nom de l'ancien agent de la DGSE Daniel Forestier est cité dans le rapport d'enquête[18]. Reconverti dans la sécurité privée, notamment au service d'une des filles du président de la république du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaïev, Daniel Forestier est assassiné en 2019 sur la commune de Ballaison (Haute-Savoie), au bord du lac Léman, alors qu'il était impliqué dans une tentative d'assassinat contre Ferdinand Mbaou en 2018[19].

2019-2020 : agression d'un couple d'entrepreneurs[modifier | modifier le code]

Un couple d'entrepreneurs de Seine-et-Marne est victime d'une campagne d'intimidation à partir de novembre 2019 jusqu'en janvier 2020. En juin 2022, deux commanditaires sont mis en examen pour avoir organisé, avec l'aide d'un policier de la DGSI, ce violent règlement de compte pour tenter de récupérer une dette de 318 000 euros[20].

2020 : projet d'assassinat de Marie-Hélène Dini[modifier | modifier le code]

Le , Marie-Hélène Dini chef d’entreprise, à la tête d’une école de formation de coach sort de chez elle en retard à Créteil (Val-de-Marne). Elle aperçoit une voiture de police avec des policiers en train d'interpeller deux hommes, qui sont placés en garde à vue. Les deux hommes sont découverts en possession d'armes, et la police découvre qu'ils sont gardiens d'un camp de la DGSE. Ils auraient eu pour ordre d’éliminer Marie-Hélène Dini, supposée être un agent ou une informatrice du Mossad, mais surtout, initiatrice d'une tentative de structuration de la profession de coach en France. Le commanditaire, un de ses concurrents, avoue avoir demandé son exécution car il craignait que la création d'un syndicat national ne fasse de l'ombre à son affaire[11],[21],[22].

2020 : affaire du syndicaliste d'Izernore[modifier | modifier le code]

Interpellé dans le cadre de l'affaire, l'un des principaux mis en examen, ancien journaliste au Dauphiné libéré, Frédéric Vaglio, reconnaît avoir reçu en janvier 2020 d'« amis » entrepreneurs dans le domaine de la plasturgie à Izernore (Ain) un versement de 75 000 euros, en règlement d'une mission d'élimination d'un syndicaliste appartenant à la CGT. Celui-ci n'aurait échappé à l'assassinat que par le repli rendu nécessaire par l'échec de la tentative de meurtre de Marie-Hélène Dini. Mis en examen le pour « association de malfaiteurs en vue de commettre un crime », ces « amis » sont écroués ; ils démentent totalement les accusations qui pèsent sur eux[23],[24],[25].

Le 20 mai 2022, Libération révèle que Damien Abad, alors ministre des Solidarités, apparaît dans des écoutes policières[26]. Il aurait cherché à obtenir des informations à propos de l'enquête visant deux de ses amis entrepreneurs[27]. Ignorant qu'ils sont sur écoute, il promet à ses amis de contacter la préfète du département de l'Ain pour recueillir des informations[26]. Damien Abad répond à Libération qu'il aurait simplement voulu se renseigner, sans volonté d’interférer dans l’enquête.

Suspects[modifier | modifier le code]

Exécutants présumés[modifier | modifier le code]

Des individus distincts sont impliqués dans l'exécution du meurtre et des différentes tentatives de meurtres identifiées. Pour le projet d'assassinat de Marie-Hélène Dini, à l'origine de l'affaire, les deux exécutants présumés s'appellent Pierre B. et Carl E. et travaillent pour la DGSE. Ils n'appartiennent pas au service action de la DGSE mais sont simplement des gardiens du centre parachutiste d’entraînement spécialisé (CPES) de la DGSE à Cercottes (Loiret), sous les pseudonymes de Dagomar et d'Adelard[28]. Un agent de sécurité privé, pensant travailler pour un service de renseignement français, est lui suspecté du meurtre de Laurent Pasquali[8]. Ces différents exécutants paraissent avoir agi sous la direction d'un duo formé par un ancien policier de la DCRI et un spécialiste en communication, ce dernier sans lien direct apparent avec les services de renseignement. Le duo s'est rencontré chez les francs-maçons et était membre d'une loge maçonnique des Hauts-de-Seine nommée « Athanor »[8] (nom médiéval du fourneau des alchimistes).

Commanditaires présumés[modifier | modifier le code]

Les commanditaires présumés semblent avoir pour point commun, comme le duo soupçonné d'avoir manipulé les exécutants des crimes, d'appartenir à la loge Athanor. Cette loge appartient à l'obédience Grande Loge de l'Alliance maçonnique française (GL-AMF). Créée au printemps 2012 à la faveur de la scission d’une autre obédience, la GL-AMF compte quelque 15 000 membres et 680 loges en France. Le , la loge mise en cause, installée à Puteaux (Hauts-de-Seine), a été fermée par le nouveau grand maître[29].

Réaction des obédiences et des organes maçonniques[modifier | modifier le code]

Le journal Le Parisien qui évoque l'affaire en Une, sous le titre « Victime des tueurs francs-maçons », voit ce titre qualifié de « racoleur et putassier » par l'auteur du blog maçonnique Hiram.be, jugeant l'amalgame entre les auteurs des méfaits et leur qualité de franc-maçon comme teinté d'antimaçonnisme et alimentant les fantasmes véhiculés contre la franc-maçonnerie dans les milieux qui lui sont hostiles[30].

La Grande Loge nationale française précise dans un communiqué que les noms des deux suspects apparaissent dans leur registre entre 2009 et 2012, année de leur départ de l'obédience, sans jamais avoir occupé de postes significatifs. Elle affirme son indignation devant des agissements putatifs qui salissent la franc-maçonnerie tout entière[31],[32].

Le grand maître du Grand Orient de France, dans une publication précise que le Grand Orient n'a aucun lien, ni même aucune connaissance de l'existence de cette loge maçonnique [n 1], mise en cause dans les chroniques criminelles des médias français. Il affirme, tout en respectant la présomption d'innocence, que de tels agissements sur lesquels toute la lumière doit être faite, rejaillissent sur la franc-maçonnerie qui reste un ordre et une association humaniste respectueuse sans conditions des lois de la République[33],[34].

Pour sa part la Grande Loge de l'Alliance maçonnique française à laquelle appartenait la loge Athanor, dissoute en février 2021 et à laquelle sont rattachés plusieurs protagonistes de l'affaire, rappelle « qu’en tant qu’obédience maçonnique, elle prône le respect strict et absolu de toutes les lois en vigueur dans notre République ». Elle suspend les membres incriminés jusqu'au rendu de l'enquête[35].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. La loge maçonnique n'appartenant pas à son obédience.

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Derrière les Blaireaux des légendes, des tentatives assassinat en série », Le Canard enchaîné,‎ .
  2. Jérémy Laugier, « Le démantèlement d’un réseau va-t-il relancer l'enquête sur Chevaline ? », sur 20 Minutes, (consulté le ).
  3. F.M., « Enquête. Quel lien entre la tuerie de Chevaline et l'officine criminelle franc-maçonne ? », sur Le Progrès (consulté le ).
  4. S.B., « Haute-Savoie. Tuerie de Chevaline : une nouvelle piste inattendue », sur Le Dauphiné libéré (consulté le ).
  5. « Tuerie de Chevaline : une garde à vue pour "vérifications" après neuf ans de mystère », sur Marianne , .
  6. Laurent Léger, « Un ancien ministre faisait surveiller son adversaire par des barbouzes », sur Libération (consulté le ).
  7. a et b « Laurent Pasquali : un policier impliqué dans le meurtre ? », sur Sport Auto, (consulté le )
  8. a b c et d « Barbouzes, francs-maçons et crimes en série : plongée dans une affaire judiciaire hors normes », sur France Info,
  9. Stéphane Joahny, « Le maire de Saint-Maur a vécu sous la menace d'ex-militaires et francs-maçons », sur Le JDD (consulté le )
  10. Daniel Lauret, « Un crâne et des ossements humains découverts dans un bois à Cistrières (Haute-Loire) », sur La Montagne, (consulté le ).
  11. a et b Jacques Monin, Elodie Guéguen et Cellule investigation de Radio France, « Barbouzes, francs-maçons et crimes en série : plongée dans une affaire judiciaire hors normes », sur France Inter, (consulté le )
  12. Lionel Ciochetto, « Les ossements découverts à Cistrières ont enfin été identifiés, le début de "l'affaire Pasquali" », sur La Montagne, (consulté le ).
  13. Boris Thiolay, « ENQUETE. L'invraisemblable officine criminelle qui réunissait francs-maçons et gardiens affiliés à la DGSE », sur Le JDD (consulté le ).
  14. Timothée Boutry, Jean-Michel Décugis et Jérémie Pham-Lê, « Laurent Pasquali, pilote «boute-en-train» et première victime du réseau franc-maçon de tueurs », sur Le Parisien, (consulté le ).
  15. « Corps de Laurent Pasquali trouvé dans les bois de Cistrières : le pilote devait de l’argent à un sponsor », sur L'Éveil de la Haute-Loire, (consulté le )
  16. « INFO RTL - Francs-maçons criminels : assassinat commandité, un couple mis en examen », sur www.rtl.fr, (consulté le )
  17. « INFO RTL - Policier de la DGSI mis en examen : ce que l'on sait », sur www.rtl.fr (consulté le )
  18. Martin Mollet, « Qui a tué Daniel Forestier, ancien agent de la DGSE retrouvé mort en Haute-Savoie ? », Marianne,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  19. Par Vincent Gautronneau Le 16 août 2019 à 06h41 et Modifié Le 16 Août 2019 À 11h55, « Mystère autour de l’assassinat d’un ex-agent de la DGSE : «Celui qui l’a tué est un pro» », sur leparisien.fr, (consulté le )
  20. Par Timothée Boutry et Jérémie Pham-Lê Le 10 août 2022 à 06h22, « Cellule barbouzarde clandestine : mises en examen dans un nouveau dossier d’agression », sur leparisien.fr, (consulté le )
  21. Laurent Valdiguié, « Projet d'assassinat d'une coach : révélations sur les barbouzes de la DGSE et de la franc-maçonnerie », sur Marianne, (consulté le ).
  22. Timothée Boutry, Jean-Michel Décugis et Jérémie Pham-Lê, « Un réseau franc-maçon derrière la tentative de meurtre d’une coach par des agents de la DGSE », sur Le Parisien, (consulté le ).
  23. Christophe Labbé, « Derrière les Blaireaux des légendes, des tentatives d'assassinat en série », Le Canard enchaîné,‎ , p. 4
  24. Fatima Bouyablane, « AIN : des tueurs à gage en lien avec les renseignements devaient tuer un syndicaliste, une cheffe d'entreprise écrouée », sur France 3 Auvergne Rhône-Alpes, (consulté le )
  25. Thomas Prouteau, « Francs-maçons criminels : deux commanditaires d’un contrat présumé sur un syndicaliste interpellés », sur RTL, (consulté le )
  26. a et b Laurent Léger, « Justice: les curieux coups de fil du député Damien Abad », sur Libération (consulté le )
  27. « Damien Abad : pourquoi le nom du ministre se retrouve cité dans une affaire de tentative d'assassinat d'un syndicaliste », sur ladepeche.fr (consulté le )
  28. Jean Guisnel, « Dagomar et Adelard : « gardes-barrières » à la DGSE et assassins ratés », sur Le Point, (consulté le ).
  29. Gérard Plumecoq (Geplu), « Tentative d'assassinat de Puteaux : « Athanor », une loge de la GL-AMF », sur Hiram.be, (consulté le ).
  30. Gérard Plumecoq (Geplu), « Un beau titre bien racoleur, bien putassier... », sur Hiram.be, (consulté le ) Inscription nécessaire.
  31. Jean-Laurent Turbet, « GLDF : Le Grand-Maître réagit concernant les présumés tueurs, francs-maçons et membres de la DGSE dont il est question dans la presse. », sur Bloc notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités (consulté le ).
  32. « Communiqué du Grand Maître », sur gldf.orf, (consulté le ).
  33. Jean-Laurent Turbet, « GODF : Communiqué concernant l'affaire de la « Loge Puteaux » et les présumés assassins. », sur Bloc notes de Jean-Laurent sur les Spiritualités (consulté le ).
  34. « Communiqué de Presse du 4 février 2021 », sur godf.org, (consulté le ).
  35. Laurent Léger, « Cellule criminelle de barbouzes : une loge franc-maçonne dissoute », sur Libération, (consulté le ).